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«Le succès ne se résume jamais à une performance individuelle»

CEO de la Société suisse des employés de commerce depuis le 1er janvier, Sascha M. Burkhalter aborde en interview les thématiques de la pénurie de main-d'œuvre qualifiée, de la génération Z, de l'IA et du New Work, sans oublier l'impact des changements sociétaux sur l'association.

Vous êtes en fonction depuis environ 100 jours. Comment se sont passés vos débuts? 

J'ai bien démarré et je dispose déjà d’une vue d'ensemble de l'organisation et des différentes activités de toutes les équipes. La Société des employés de commerce n'est pas tout à fait nouvelle pour moi, puisque j'ai siégé au Comité central de 2007 à fin 2023. Jusqu'à présent, j'étais surtout responsable des finances sur le plan stratégique, mais je prends maintenant de plus en plus conscience de l'étendue et de la diversité des activités de la Société suisse des employés de commerce. 

Avez-vous déjà une vision claire de la direction que vous voulez prendre avec la Société suisse des employés de commerce ou préférez-vous vous accorder un temps d’observation? 

La vision est déjà assez claire dans le sens où nous avons remanié nos principes directeurs l'année dernière suite à la réforme structurelle. J'ai pu participer à ce processus et contribuer à la définition des priorités futures. Dans le cadre de la réforme de 2022, nous avons également supprimé des structures et déplacé certaines tâches au niveau de l'organisation de notre association. Pour nous, la mise en œuvre de ces nouveaux principes directeurs, associés à des prestations et des tâches concrètes, figure ainsi au cœur de nos préoccupations. C'est cela que je souhaite promouvoir. 

«Le plus grand changement du moment consiste à renforcer notre transition d'une organisation de membres vers une organisation de clients.»
Sascha M. Burkhalter

Quels sont les principaux piliers sur lesquels la Société des employés de commerce entend s'appuyer à l'avenir? 

La formation, les partenariats sociaux et la politique restent les principaux piliers de notre travail. Le «Think & Do Tank» constitue une nouveauté. Il nous permet d'identifier les tendances et les évolutions du monde du travail et, sur cette base, de prendre des mesures proactives et d'élaborer des offres de prestations. En matière d'initiative, où il s'agit de promouvoir l'entrepreneuriat chez les employé-e-s de commerce et les gestionnaires du commerce de détail, nous souhaitons développer un nouveau domaine particulièrement intéressant pour nous en devenant un interlocuteur de qualité pour tout ce qui touche aux modèles de travail flexibles et agiles. Cela concerne surtout les professionnel-le-s des métiers des services et de la connaissance qui travaillent de manière très flexible et bénéficient d'une grande autonomie, qu'il s'agisse d'employé-e-s, d'indépendant-e-s ou d'entrepreneur-e-s individuel-le-s. Ces formes de travail soulèvent un grand nombre de questions, notamment en matière de couverture d'assurance et de prévoyance vieillesse. Dans ce domaine, la Société suisse des employés de commerce peut apporter son soutien en proposant des prestations concrètes. Je vois cela comme la poursuite de l'esprit pionnier qui caractérise l'association depuis ses débuts.

Avez-vous déjà pris des mesures concrètes dans ces domaines? 

Le plus grand changement du moment consiste à renforcer notre transition d'une organisation de membres vers une organisation de clients. Alors que l'adhésion à une association allait autrefois de soi, nos groupes cibles attendent aujourd'hui une contrepartie concrète et sont prêts à payer pour l’offre ou le service dont ils ont besoin. Bien entendu, nous souhaitons continuer à accueillir des personnes qui souhaitent s'engager en tant que membres de la Société suisse des employés de commerce, nous en avons d'ailleurs toujours besoin. Mais nous élaborons également des offres destinées aux non-membres. 

Pouvez-vous nous donner un exemple? 

Pour en revenir aux défis liés aux nouvelles formes de travail: nous pouvons proposer des offres de formation continue adaptées par le biais des écoles rattachées à notre association ou fournir des informations spécifiques à certains groupes cibles sur les questions de prévoyance vieillesse. La Société suisse des employés de commerce est perçue comme un centre de compétences indépendant et fiable en matière de travail et de formation. Nous sommes en mesure d'aborder des questions importantes et de les diffuser largement par le biais de nos canaux d'information. 

«La pénurie de personnel qualifié pourrait être en partie résolue par des processus de recrutement moins discriminatoires.»
Sascha M. Burkhalter

La pénurie de personnel qualifié préoccupe de nombreuses entreprises. Le domaine commercial est-il également concerné? Quel rôle jouez-vous dans ce contexte en tant qu'association? 

Le manque de personnel qualifié est un problème majeur qui nous concerne également. Du fait de sa complexité, cette pénurie n'est pas si simple à traiter. Je suis toutefois d'avis qu'une partie du problème pourrait être résolue par des processus de recrutement moins discriminatoires. Plutôt que le genre, le nom ou l'âge, ce sont les compétences que la personne apporte qui sont pertinentes. Mais malheureusement, ces facteurs continuent d’exercer une grande influence sur la sélection des candidat-e-s pour un poste vacant. Autre élément important pour lutter contre la pénurie de personnel qualifié: la disposition à développer collectivement les compétences qui manquent. 

Qu'en est-il de l'intelligence artificielle ? Dans quelle mesure l'IA va-t-elle modifier le travail dans le domaine commercial? 

Nos métiers sont directement et immédiatement concernés. Pour l'instant, il semble que de très nombreuses tâches routinières disparaîtront plus ou moins à moyen terme. Aujourd'hui déjà, nous constatons qu'il faut nettement moins de ressources pour tenir une comptabilité des créanciers. Les activités qualifiées seront également de plus en plus touchées. Mais dans les domaines où les humains continuent de faire la différence, il se pourrait que les profils de postes existants gagnent également en attractivité. Pour moi, il est clair que l'IA présente des opportunités et des risques que nous devons gérer de la meilleure manière possible. 

Quelle est votre position sur les nouvelles formes de travail telles que le job sharing ou le home office? 

Je suis présentement en train de répondre à ces questions depuis chez moi, près de Flims. Si ma journée est essentiellement consacrée à des appels vidéo, je ne vois pas pourquoi je devrais le faire depuis Zurich. Je pense que les nouvelles formes de travail constituent une énorme opportunité et résolvent aussi des problèmes de société tels que la pénurie de logements dans les centres urbains ou les problèmes de circulation. Mais je pense aussi qu'il reste encore différentes formes à expérimenter et à développer. C’est d’ailleurs ce que nous faisons actuellement à la Société suisse des employés de commerce. Je suis impatient de voir les modèles qui parviendront à s'établir. 

«Je considère que mon rôle est de donner l'orientation stratégique. Je laisse par contre beaucoup de liberté dans la mise en œuvre.»
Sascha M. Burkhalter

Quel est votre style de leadership? Quelles sont vos valeurs? 

Je suis un joueur d'équipe. Pour moi, le succès ne se résume jamais à une performance individuelle, il implique la participation de personnes travaillant ensemble à la réalisation d'un objectif. Je suis probablement le premier CEO de la Société suisse des employés de commerce à ne pas être juriste. Je pense que mes activités antérieures, qui se sont plutôt concentrées autour du développement entrepreneurial, représentent un atout dont je peux faire bénéficier l'organisation. Je considère que mon rôle est de donner l'orientation stratégique et de définir en équipe les objectifs de la Société suisse des employés de commerce. Je laisse par contre beaucoup de liberté dans la mise en œuvre. Je ne suis pas un control freak. 

Venant d'un ancien comptable, on pourrait s'attendre à une philosophie de gestion un peu différente. 

J'ai toujours été un comptable un peu atypique! Je n'aime pas trop entrer dans les détails. Mais je ne suis pas non plus très porté sur le micromanagement. Et d'ailleurs, je n'ai pas toujours la solution à tous les problèmes. Les spécialistes qui se penchent quotidiennement sur les questions qui les concernent sont bien mieux placés que moi pour le faire. Si des erreurs se produisent, je m'attends à ce que nous analysions la situation ensemble et que nous corrigions ce qui doit l’être – et surtout que nous ne perdions pas de temps à jouer à cache-cache et à se rejeter la faute.   

Selon une étude récente de Swiss Skills, la génération Z considère la culture d'entreprise et le climat de travail comme des facteurs déterminants dans le choix de rester ou non au sein d'une entreprise. Cela correspond-il à votre perception? Quels seraient sinon les facteurs clés permettant d'attirer et de fidéliser les jeunes talents? 

Le climat de travail au sein de l'entreprise est important pour tout le monde. «Autrefois», et j'inclus ici ma génération, nous n'étions peut-être pas aussi sensibilisés à cette question. Un climat d'entreprise favorable, où l'ouverture à la nouveauté et la transparence sont réellement vécues et où les formes de travail flexibles sont possibles, peut constituer un critère de différenciation parmi les employeurs. Je pense que les entreprises l'ont compris depuis et qu'elles travaillent en conséquence sur leur climat de travail et leurs valeurs, ce qui bénéficie en fin de compte à toutes les générations. Après tout, je souhaite moi aussi travailler dans un environnement où je me sens bien. 

Pour conclure, une question plus personnelle: qu'est-ce qui vous caractérise en tant que personne, qu'est-ce qui compte le plus à vos yeux? 

Je suis un collectionneur d'art et je lis beaucoup. J’aime également beaucoup cuisiner. J'habite par ailleurs en pleine nature avec mon épouse, notre fils de 15 ans et notre chien. L'exercice physique et le sport en plein air font donc aussi partie de mon quotidien. Ces activités contribuent à mon équilibre et me permettent de me remettre au travail avec enthousiasme. 
 

Première publication: 16.5.2024

Auteur-trice

  • Rahel Lüönd

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