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Les femmes en marche

La proportion de femmes dans les étages directoriaux s’accroît continuellement grâce à la sensibilisation, à une forte détermination et aux pressions politiques. Les objectifs sont toutefois encore loin d’être atteints.

Le succès des équipes mixtes, l’aggravation de la pénurie de personnel qualifié, le potentiel inexploité que constitue cette moitié de la population qui bénéficie d’une bonne formation – les arguments en faveur de la diversité des sexes aux commandes des entreprises ne manquent pas. Et depuis 2020 la politique s’en mêle – pour la première fois: jusqu'en 2025- 2030, les grandes sociétés cotées en bourses et établies en Suisse doivent compter au moins 30% de femmes dans leurs conseils d’administration et 20% dans les directions. Les entreprises qui ne respectent pas ces seuils devront s’expliquer et présenter des mesures pour y remédier. Cette réglementation est entrée en vigueur en 2021 et, même s’il y a une phase de transition, l’impératif est clair. Le Parlement entend ainsi «contribuer au respect de l'obligation constitutionnelle de veiller à l'égalité entre femmes et hommes», indique la Confédération dans un communiqué.

Les sociétés du SMI à 26%

Les 20 entreprises suisses qui sont cotées au Swiss Market Index SMI comptent 26% de femmes au sein de la direction. Toutefois, la part de femmes siégeant dans les conseils d’administration de ces entreprises s’élève déjà 34%. Ces chiffres sont tirés du Schillingreport 2024, une étude qui analyse chaque année sous différents angles la composition des organes dirigeants des 100 plus grands employeurs de Suisse.

La proportion de femmes dans les directions des 100 entreprises évaluées dans ce rapport a atteint cette année le chiffre record de 18%. En 2005, elle n’était que de 4%. Et la part de femmes dans les conseils d’administration a progressé à 30%. Une grande partie de la croissance a eu lieu après 2018, c’est-à-dire au moment où le débat sur les quotas est devenu plus fort. La pression sur les entreprises augmente. C'est particulièrement visible dans le nombre de nouvelles embauches: en 2021, environ 36% des postes de direction vacants sont allés à des femmes.

«Mes enfants représentent le meilleur entrainement pour mon travail»

Regina Grossmann n’a jamais fait de grands projets dans sa vie. Elle s’est laissée guider par ses intérêts, étudiant la médecine avant de faire ses premières expériences professionnelles en chirurgie. Après un voyage en Afrique, elle a réalisé que le travail en clinique n’était pas pour elle et a démissionné sans savoir ce qu’elle ferait. Passées deux autres étapes, elle s’est retrouvée chercheuse à l’Hôpital universitaire de Zurich (USZ). Et y est restée. «La recherche est très réglementée, mais on y trouve aussi de très bonnes idées. J’aime cette tension entre règles et créativité», explique Regina Grossmann. Elle dirige le Clinical Trials Center CTC où elle accompagne des projets de recherche clinique. Cette spécialiste intervient aussi comme médiatrice quand il y a un sérieux problème. Elle a de toute manière le contact facile et sait dire les choses clairement. Durant la pandémie en 2020, elle était parfois à la limite, téléphonant du matin au soir et ne faisant rien d’autre que de régler des problèmes. Alors que d’autres groupes professionnels étaient réduits à l’inaction, la recherche était en état d’urgence.

Revenons quelques années en arrière, au coup de téléphone qui a marqué un tournant dans la vie de la famille Grossmann: il venait de Gabriela Senti, qui dirigeait alors le CTC et est maintenant à la tête de la recherche et de la formation à l’USZ. Jusque-là, Regina Grossmann ne travaillait qu’à temps partiel et lorsque Gabriela Senti lui a demandé si elle était prête à reprendre son poste, elle a répondu sans trop réfléchir: «Je suis enceinte de mon quatrième enfant». Toutefois, après une réflexion plus approfondie, elle a réalisé qu’il s’agissait d’une chance unique et qu’il fallait la saisir. «Le plus difficile pour moi était de savoir qu’avec un emploi à temps complet, je passerais moins de temps avec mes enfants», raconte-t-elle. Ses conditions de travail flexibles lui permettent toutefois de prendre ici ou là un mercredi après-midi de congé et elle constate maintenant qu'elle est bien plus présente quand elle est avec les enfants et apprécie certainement mieux le temps passé ensemble.» En tant que cheffe et pour assurer la promotion des femmes, elle entend que ses collaboratrices puissent elles aussi profiter de cette flexibilité. 90% des employé-e-s du CTC sont des femmes – en grande majorité des mères hautement qualifiées qui travaillent à temps partiel et savaient déjà tirer profit du home office et des horaires flexibles avant l’épidémie. Le calme, la sérénité et la confiance qui émanent de Regina résultent certainement pour une bonne part de son expérience de mère: «Mes enfants représentent le meilleur entraînement pour mon travail», dit-elle en riant.

«Je travaille avec le cœur et la raison»

Le temps est compté dans la vie de Jorina Zehnder. Mais elle est toujours prête à écouter les personnes qui lui sont subordonnées. «La communication est pour moi extrêmement importante. Et je suis toujours là quand il y a un problème», explique la directrice des courtiers en assurances Macam et VCW. Elle suit une ligne claire et communique de manière ouverte et directe – mais toujours avec respect. Pour diriger, cette économiste d’entreprise et experte en assurances mise sur l’esprit d’équipe, l’équité et la confiance. Elle sent comment elle doit approcher chacune et chacun pour que le travail fonctionne au mieux. Cela dépend évidemment de la fonction et de l’expérience. En principe, elle n’attend pas plus de ses collaboratrices et collaborateurs que ce qu’elle pourrait faire elle-même.  «Je travaille avec le cœur et la raison», dit-elle. Jusqu’à maintenant, cette combinaison lui a réussi.

Dans le développement de l’entreprise, cette femme de 29 ans incarne l’esprit critique et elle remet en question plutôt que d’exécuter son mandat sans rien dire. C’est d’ailleurs ainsi qu’a démarré sa carrière. Assistante des agents généraux à la Zurich, elle avait constaté un potentiel d’optimisation dans le service interne. Peu après, à 21 ans déjà, elle dirigeait le service d’appui. Ensuite, des formations complémentaires, sa discipline et son engagement l’ont menée au poste qu’elle occupe aujourd’hui. Quand elle a pris la direction de Macam SA, elle faisait encore des études en emploi. La société s’est ensuite considérablement développée grâce au partenariat avec VCW. Jorina Zehnder doit maintenant positionner les deux entreprises sur le marché. «Il faut certes que des opportunités se présentent, dit-elle. Mais il faut aussi avoir le courage de les saisir.»

C’est bien cela que Jorina Zehnder souhaite dire aux nombreuses femmes talentueuses et ambitieuses qui se trouvent sur le marché du travail: réussir peut aussi être un plaisir et beaucoup de choses sont possibles, à condition d’essayer.

Publié le: 18.8.2021
Dernière mise à jour: 8.8.2024

Auteur-trice: Rahel Lüönd

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